Poésie

Je ne croyais pas aux fantômes avant

Je ne croyais pas aux fantômes, avant.
Avant que la machine à coudre ne se mette à parler,
avant cette mécanique qui court toute seule dans mon salon.

Le bruit de l’aiguille te faisait penser à ta mère,
la mère Galé qui cousait les plus beaux pantalons du quartier.

Je ne sais pas ce qui la fait courir toute seule dans mon salon.
J’ai essayé de comprendre, j’ai essayé d’admettre.
Je ne sais si tu demandes ou si tu ordonnes.
Je ne sais pas ce qui te fait courir tout seul dans mon salon. 

Je ne croyais pas aux fantômes, avant.
Je regarde l’aiguille folle qui monte et qui descend
et je me vois courir toute seule dans mon salon.

Qui est l’ancêtre qui coud ma vie
dans une danse frénétique et un bruit de soldat qui mitraille ?

Que veux-tu me dire
par le fil qui mêle le haut et le bas dans une broderie terrifiante ? 

Je ne croyais pas aux fantômes, avant toi dans mon salon,
avant les pantalons qui se cousent d’eux-mêmes,
avant le bruit du moteur qui gronde et de l’aiguille qui pique,
avant de t’entendre crier sans rien dire sur un ourlet invisible.

Que veux-tu que je fasse ?
Es-tu en paix, es-tu en guerre ?
Est-ce moi la cause du désarroi ?
Si tu demandes,
donne-moi les mots
pour t’entendre et te répondre.
Si tu pries,
apprends-moi la prière,
le chant de mon grand-père.

Etes-vous ensemble, la couturière et le mécanicien, dans l’hystérie de l’aiguille ?
L’aimes-tu encore, m’aimes-tu un peu ? Il y a si peu de bruit parmi les morts.

Je ne croyais pas aux fantômes avant.
Avant que la machine à coudre se mette à coudre toute seule dans mon salon.